Chapitre 12

Dans toutes ses manifestations, l’ingénierie comportementale dégénère invariablement en manipulation pure et simple. Elle ramène tout le monde – manipulateurs aussi bien que manipulés – à un « effet de masse » mortel. Le postulat selon lequel de telles interventions permettraient d’obtenir des réactions comportementales uniformes et constantes est une tromperie dénoncée par de nombreuses espèces, mais rarement avec autant de vigueur que par les Gowachins de la planète Dosadi. Ils ont établi le caractère absolument fallacieux du « Principe de Walden » : « Chez toute espèce qui se reproduit par brassage génétique et où, par conséquent, chaque individu constitue un spécimen unique, toute tentative d’imposer une matrice décisionnelle fondée sur une prétendue uniformité des comportements est infailliblement condamnée à avoir des répercussions tragiques. »

Les Dossiers de la planète Dosadi, Publications du BuSab.

 

Le couloir franchi, McKie se retrouva, exactement comme le lui avaient promis les conseillers d’Aritch, au milieu du désert dosadi, un peu avant la fin de la matinée. Il leva les yeux, cherchant à voir pour la première fois dans la réalité le fameux Mur de Dieu. Il voulait savoir ce qu’un Dosadi éprouvait en contemplant les limites de son monde clos. Il ne distingua rien de plus qu’une fine brume légèrement argentée et quelque peu décevante. Les contours du soleil étaient beaucoup plus nets qu’il ne l’aurait cru. Il savait, pour avoir vu quelques reproductions holographiques, que plusieurs étoiles de magnitude 3 seraient visibles la nuit. Il eût été incapable de dire, à part cela, à quoi il s’attendait. Mais ce voile laiteux lui semblait bien léger et beaucoup trop éthéré en regard de la puissance qu’il symbolisait.

Le disque apparent du soleil lui rappela une autre nécessité urgente, mais il décida d’attendre pendant qu’il finissait d’examiner les lieux.

Un grand rocher blanc ? Oui, ce devait être ça, sur sa gauche.

On lui avait recommandé d’attendre au pied de ce rocher, où il serait relativement en sécurité. Il ne devait sous aucun prétexte s’éloigner du lieu de rendez-vous.

« Nous pourrions vous mettre en garde contre quelques-uns des dangers spécifiques de Dosadi, mais les mots ne suffisent pas. En outre, de nouvelles menaces se créent sans cesse. »

Ce qu’il avait appris ces dernières semaines au cours des séances préparatoires avait renforcé les multiples avertissements reçus. Le rocher, qui faisait deux fois la hauteur d’un Humain, se dressait à quelques pas de lui, massif et impressionnant. Il alla s’appuyer contre lui. Le sable crissait sous ses pieds et d’âcres senteurs inhabituelles montaient à ses narines. La roche réchauffée par le soleil lui communiqua une partie de son énergie à travers la combinaison verte qu’ils avaient insisté pour lui faire porter.

McKie regrettait ses vêtements habituels, à l’épreuve des projectiles, et leurs dispositifs amplificateurs de force musculaire. On ne lui avait rien laissé emporter à l’exception d’une version simplifiée de sa trousse professionnelle, compromis accepté après bien des réticences. Il avait répété que le contenu de la trousse serait automatiquement détruit si quelqu’un d’autre que lui essayait de l’ouvrir, mais pour toute réponse ils lui avaient recommandé de ne jamais la manipuler en présence d’un Dosadi.

« La chose la plus dangereuse que vous puissiez faire, c’est de sous-estimer un Dosadi. »

McKie fit du regard le tour de l’horizon, mais personne n’était en vue.

Dans le lointain, par-delà un paysage plat et sablonneux parsemé de roches brunes et de buissons flavescents, il identifia les tours pointues de Chu qui s’élevaient, irréelles et floues, au-dessus du fleuve encaissé. Les ondes de chaleur, se propageant dans l’air par couches successives au-dessus de la plaine aride, donnaient à la cité un aspect fantasmagorique.

McKie avait du mal à voir Chu sous l’angle donné aux séances accélérées organisées avant son départ de Tandaloor. Les aiguilles spiralées magiquement dressées vers le ciel correspondaient mal à cet endroit corrompu qui lui avait été décrit, où « tout peut s’acheter… à condition qu’on y mette le prix ».

Les conseillers d’Aritch avaient cousu dans la doublure de son vêtement une forte somme d’argent dosadi. En même temps, ils avaient insisté, dans des termes à lui faire dresser les cheveux sur la tête, pour qu’il évite « tout étalage de richesse sans protection ».

Les responsables du couloir caliban avaient ajouté quelques recommandations de leur cru :

« Vous serez peut-être obligé d’attendre plusieurs heures. C’est difficile à prévoir. Ne vous éloignez surtout pas du rocher ; c’est l’endroit relativement le plus sûr pour vous. Nous avons pris des dispositions de sécurité qui doivent diminuer les risques. Ne buvez rien, ne mangez rien tant que vous n’êtes pas à l’intérieur de la cité. Le changement de nourriture perturbera un peu votre organisme, mais tout devrait normalement rentrer dans l’ordre au bout de quelques jours. »

« Normalement ? »

« C’est une question de temps. »

Il avait également demandé quels étaient les dangers précis auxquels il devait s’attendre à faire face.

« Évitez les Dosadis autres que nos agents de liaison. Surtout, n’ayez l’air de provoquer personne. »

« Et s’il me prend l’envie de faire une sieste ? »

Ils avaient répondu avec le plus grand sérieux :

« Ce serait peut-être la meilleure chose. Pour oser s’assoupir dans un endroit pareil, il faut se sentir parfaitement sûr de soi. Il y aurait un risque, évidemment, mais quoi qu’on fasse sur Dosadi, on prend toujours un risque. Disons qu’ils hésiteraient assez longtemps avant de s’attaquer à quelqu’un d’assez fort pour s’endormir dans ces conditions. »

De nouveau, McKie regarda autour de lui.

De derrière le rocher, parvinrent à ses oreilles une série de sifflements aigus mêlés à des crissements évoquant des poignées de gravier lancées à la volée contre une surface en bois. Prudemment, il fit le tour de la roche pour voir quelle était la source de tous ces bruits. Les sifflements étaient émis par un lézard jaune qui avait presque la même teinte que la végétation environnante et dont toute l’attention semblait concentrée sur la source du second bruit, apparemment située au cœur d’un petit trou à moitié caché par des broussailles. McKie crut s’apercevoir que sa propre présence n’intéressait qu’à moitié le lézard. Ce qu’il y avait dans le trou devait requérir une priorité absolue.

Quelque chose remua dans l’obscurité du trou.

Le lézard se raidit, sans interrompre ses sifflements.

Une créature de jais, à peu près de la forme et de la dimension du poing de McKie, émergea du trou, jaillit en avant et aperçut le lézard. Des ailes se déployèrent sur les côtés et elle tenta de prendre son vol, mais il était trop tard. Avec une vivacité qui sidéra McKie, le lézard s’était jeté sur sa proie et se lovait autour d’elle. Une fente longitudinale s’ouvrit dans le ventre du lézard, tout autour de la créature captive. Dans un dernier crissement, la chose noire disparut, engloutie par son prédateur.

Pendant tout ce temps, le lézard n’avait pas cessé de siffler. Tout en continuant d’émettre le même bruit, il se traîna vers le trou d’où était sortie sa proie.

« Sur Dosadi, il est rare que les faits correspondent aux apparences », avait-on appris à McKie.

Il se demandait à quoi il venait d’assister au juste.

Les sifflements s’étaient interrompus.

La brève tragédie rappelait à McKie que Dosadi pouvait lui réserver, comme on le lui avait laissé entendre, quelques sensations inédites. Accroupi au pied du rocher, il observa de nouveau son environnement immédiat.

L’étroite bande ombragée à la base de la pierre était peuplée de minuscules créatures sauteuses qui ressemblaient à des insectes. Les buissons flavescents se prolongeaient par des tiges où s’ouvraient et se refermaient sans cesse des corolles de couleur verte. Le sol semblait principalement constitué de sable et d’argile, mais quand il l’examina de plus près il distingua des veines d’un rouge et d’un bleu décolorés. Tournant le dos à la cité lointaine, il vit que des montagnes au contour lilas foncé se détachaient à l’horizon sur un ciel d’argent. Dans la même direction, la pluie avait creusé des gorges aux parois d’un vert sombre.

L’air qu’il respirait avait un arrière-goût amer. Il regardait de tous les côtés, à l’affût d’une menace. Rien en vue. Il prit un instrument dans sa trousse en dissimulant ses gestes du mieux qu’il put et se redressa en s’orientant vers Chu. Un coup d’œil discret au cadran lui révéla que la cité était entourée d’une sonobarrière. Faisant mine de se gratter, il remit l’instrument dans sa trousse. Au-dessus de la sonobarrière, un vol d’oiseaux planait dans le ciel argenté.

Pourquoi cette barrière ? se demandait-il.

Elle arrêtait les animaux mais pas les personnes. On lui avait appris qu’elle constituait une protection contre les insectes nuisibles et la vermine. Mais cette explication ne le satisfaisait guère.

Il est rare que les faits correspondent aux apparences.

Malgré l’écran du Mur de Dieu, le soleil chauffait dur. Il s’installa à l’ombre du rocher. Son regard se porta sur l’insigne blanc fixé au revers gauche de sa combinaison : OP 40331-D404. L’inscription était en galach standard, la langue commune à toute Co-sentience.

« Les Dosadis ne parlent que le galach. Ils trouveront peut-être que vous avez un accent, mais ils ne s’en étonneront pas. »

Les conseillers d’Aritch lui avaient expliqué que le badge faisait de lui un travailleur libre, c’est-à-dire légèrement plus qualifié que la moyenne dans un domaine particulier, mais faisant partie quand même de l’Union Laboriste et comme tel susceptible de se voir attribuer des tâches en dehors de sa spécialité.

« Cela vous situe hiérarchiquement à trois échelons au-dessus de la Bordure », lui avaient-ils dit.

Lui-même préférait qu’il en soit ainsi. Les plus basses couches de la société possédaient toujours leurs propres canaux de communication où circulaient des informations nourries de données précises, d’instinct, de rêve ou encore de substances délibérément introduites d’en haut. Tout ce qui arrivait sur Dosadi avait une répercussion dans les rouages souterrains de l’Union Laboriste, que McKie était décidé à ausculter avec profit.

« Je serai tisserand », avait-il décidé en arguant que c’était un passe-temps auquel il s’adonnait depuis de nombreuses années.

Les conseillers avaient été très amusés par ce choix, mais ils n’avaient pas voulu lui expliquer les motifs de leur réaction.

« Aucune importance pour le moment ; c’est un métier qui en vaut un autre. »

Ils avaient insisté pour qu’il se concentre plutôt sur son autre sujet d’étude, les particularités des Dosadis. Il n’avait pas eu une seule minute de repos sur Tandaloor depuis qu’Aritch avait décrété (avec les meilleurs arguments à l’appui) que la meilleure chose à faire pour son légiste était de se rendre en personne sur le théâtre de l’expérience. Rétrospectivement, les arguments demeuraient convaincants, mais il avait été étonné. Pour une raison qu’il ne parvenait pas encore à identifier, il s’était attendu à se voir proposer d’observer l’expérience de manière plus indirecte, avec des instruments ou par l’intermédiaire de l’entité calibane qui gardait les lieux.

McKie se demandait avec curiosité comment ils allaient s’y prendre pour lui faire retirer les pralipes de la fournaise, mais il était clair que c’était cela qu’ils voulaient. Aritch avait été mystérieusement explicite :

« Vous êtes la meilleure chance de survie que possède Dosadi, et notre seule chance… de comprendre ce qui se passe. »

Les Gowachins avaient engagé un légiste pour sauver Dosadi tout en les disculpant. Le rôle du légiste était de faire triompher son client, mais les circonstances étaient vraiment particulières, car le client conservait la possibilité absolue d’anéantir la planète qu’il menaçait.

Sur Tandaloor, McKie n’avait eu droit qu’à de brèves périodes de sommeil ; mais, même ainsi, il avait mal dormi la plupart du temps car il avait désagréablement conscience de l’endroit où il se trouvait : le canisiège, peu familier et mal accordé à ses besoins ; les drôles de bruits derrière les murs… de l’eau qui coulait quelque part, toujours de l’eau.

Durant ses études de légiste chez les Gowachins, c’était l’une des premières choses auxquelles il avait dû s’habituer : les rythmes incertains de l’eau contrariée. Les Gowachins ne s’éloignaient jamais de l’eau. Leur graluz était le sanctuaire aquatique des femelles et l’endroit où étaient élevés les têtards qui avaient survécu à la vorace extirpation du père. Pour les Gowachins, le graluz demeurait à jamais un point de fixation unique. Le dicton affirmait : Qui ne comprend pas le graluz ne comprend pas les Gowachins.

Comme tous les dictons du même genre, celui-ci était valable mais seulement jusqu’à un certain point.

Le bruit de l’eau était toujours présent : eau captive venant frapper, vaguelette après vaguelette, les murs qui la contenaient. Le rythme était irrégulier, à l’image du psychisme gowachin parfaitement canalisé et pourtant toujours différent.

Pour se rendre dans les endroits peu éloignés, les Gowachins utilisaient les corridors de nage qui reliaient la plupart des centres importants. S’ils voulaient franchir de plus grandes distances, ils voyageaient comme tous les Co-sentients par les couloirs calibans ou bien dans de bruyants jetcars à sustentation magnétique. C’étaient surtout les allées et venues de ces véhicules individuels qui avaient troublé le sommeil de McKie durant sa préparation sur Tandaloor. Plus d’une fois, alors qu’il dormait, brisé de fatigue, il avait été réveillé par des voix que la présence d’autres bruits – l’eau, les jetcars – rendait inintelligibles. Les yeux grands ouverts dans l’obscurité, il tendait vainement l’oreille pour comprendre ce qui se disait, tel un espion essayant de découvrir des indices vitaux dans des conversations banales écoutées à travers une cloison. Éternellement frustré dans ses tentatives, il finissait par se replonger dans un sommeil agité et, lorsque par hasard tout bruit cessait pendant quelques instants, il se réveillait en sursaut, le cœur battant, en se demandant ce qu’il y avait d’anormal.

Et les odeurs ! Quels souvenirs elles ressuscitaient en lui ! Les senteurs musquées du graluz, les âcres exhalaisons d’une multitude d’essences exotiques, imprégnaient chaque bouffée d’air qui parvenait à ses narines. Le pollen des fougères arborescentes évoquait le parfum de la mélisse. Et tout cela était accompagné par les trilles délicats des caraeli, minuscules créatures en forme de grenouilles qui avaient la gracieuse habitude de s’immiscer dans le sommeil des gens pour leur annoncer l’aube.

Durant les premiers temps de son séjour sur Tandaloor, McKie s’était senti plus qu’un peu perdu, environné d’étrangers hostiles, conscient des conséquences que le moindre échec de sa part pourrait entraîner. Mais là, après son entretien avec Aritch, les choses étaient entièrement différentes. Il était devenu un légiste compétent, reconnu, sûr de lui, en plus d’un agent du BuSab jouissant d’une grande réputation. Et pourtant, il y avait des moments où il se sentait repris par l’atmosphère de ces jours révolus : ce qui l’ennuyait, car cela semblait signifier qu’on le manœuvrait pour le mettre dans une situation périlleuse et que les Gowachins lui réservaient hypocritement quelque humiliation dont ils avaient le secret. Le peuple du Dieu Batracien n’était pas au-dessus de ce genre de plaisanterie. Dans toute la Co-sentience, on disait de lui qu’il avait atteint un stade de civilisation si avancé qu’il avait fini par boucler le cercle et revenir à une forme de barbarie primitive. Témoin la manière dont les mâles de l’espèce massacraient leurs propres nouveau-nés pour les dévorer !

Un soir, au cours de l’une de ses trop rares périodes de repos que lui accordaient les conseillers d’Aritch, McKie s’était brusquement redressé sur son lit et, incapable de trouver le sommeil, avait tenté de secouer cette impression d’accablement qui ne voulait plus le quitter. Il se disait, ce qui était la vérité, que les Gowachins le comblaient d’égards et ne manquaient jamais de le traiter avec le respect quasi religieux qu’ils témoignaient à tous leurs légistes. Toutefois, il y avait une autre vérité à laquelle on ne pouvait pas échapper : les Gowachins l’avaient formé, longtemps à l’avance, en vue de l’envoyer sur Dosadi, mais ils n’avaient jamais été francs avec lui quant à leurs intentions.

Avoir affaire aux Gowachins était toujours une source de mystères insondables.

Lorsqu’il s’était enfin rendormi ce soir-là, il avait fait un rêve horrible où les masses informes de chair co-sentiente (aussi bien rose que verte) subissaient sans défense les attaques de gigantesques mâles gowachins.

La signification du cauchemar était claire. Les Gowachins n’hésiteraient pas à détruire Dosadi de la même manière (et pour le même genre de raison) qu’ils sélectionnaient leurs propres têtards afin d’obtenir, inlassablement, les survivants les plus aptes et les plus robustes.

McKie était dépassé par l’ampleur du problème qu’on lui avait mis sur les bras. Si jamais l’opinion co-sentiente venait à soupçonner ce qui était en train de se passer sur Dosadi sans qu’on lui fournisse une justification valable, la Confédération gowachin se trouverait en butte à d’impitoyables attaques. C’était, aux yeux des Gowachins, une raison suffisante pour détruire la pièce à conviction – ou la laisser se détruire toute seule.

Une justification valable.

Où la trouver ? Dans ces insaisissables avantages escomptés qui avaient poussé le peuple batracien à organiser l’expérience ?

Même si une telle justification existait, l’affaire Dosadi soulèverait un beau tollé dans toute la Co-sentience. Elle alimenterait la chronique pendant longtemps. Plus de vingt générations d’Humains et de Gowachins surgissant de nulle part sans crier gare ! L’histoire de leur isolement forcé agiterait d’innombrables langues. Les limites du langage seraient repoussées pour extraire jusqu’à la dernière goutte d’essence émotionnelle de cette extraordinaire révélation.

Quelle que soit la manière dont seraient présentées les choses, les motivations gowachins seraient soumises à une multitude d’analyses et de soupçons.

Quelle était la véritable raison qui les avait poussés à agir ainsi ? Qu’était-il arrivé aux premiers volontaires ?

Les gens… – qu’ils soient humains ou gowachins… – chercheraient parmi leurs ancêtres : « Et si ça expliquait la disparition d’Oncle Alfred ? » Les archives des phylums gowachins seraient minutieusement compulsées : « En voilà encore deux… disparus sans laisser de traces ! »

Les conseillers d’Aritch avouaient que c’était une « infime minorité » qui avait conçu le projet et imposé le secret absolu. Dans quelle mesure ces gens étaient-ils sains d’esprit ?

Les périodes de repos parcimonieusement accordées à McKie étaient toujours interrompues par un Gowachin obséquieux qui venait se pencher sur son canisiège pour lui demander instamment de retourner sur-le-champ aux séances préparatoires destinées à assurer sa survie sur la planète Dosadi.

Ces séances préparatoires ! Les arrière-pensées contenues dans chaque information nouvelle soulevaient encore plus de problèmes qu’elles n’en résolvaient. McKie s’efforçait d’adopter une attitude raisonnée, mais il se heurtait sans cesse à des facteurs d’irritation.

Pourquoi, sur Dosadi, les Gowachins avaient-ils acquis des caractéristiques émotionnelles de type humain, alors que les Humains singeaient les Gowachins dans leur comportement social ? Les Dosadis savaient-ils vraiment pourquoi ils changeaient si souvent de mode de gouvernement ?

La réponse laconique à ses nombreuses questions mettait McKie hors de lui :

« Tout deviendra clair lorsque vous serez là-bas en personne. »

Il avait fini par leur renvoyer la balle :

« Je suis sûr que vous ne connaissez pas la réponse ! Vous espérez que je la découvrirai à votre place ! »

Les longues énumérations de données avaient sur lui un effet soporifique. Pour se distraire, tandis qu’un moniteur gowachin lui expliquait ce qu’il savait des relations entre la Bordure et Chu, il regardait passer les Co-sentients devant le tube d’accès dont une partie était visible de sa place.

Un jour, Ceylang entra dans la salle et alla s’asseoir dans un coin d’où elle le contempla dans un silence vorace qui eut pour effet de lui mettre les nerfs à vif. Il aurait bien voulu avoir le coffret bleu-gris à portée de la main, mais, dès que l’investiture solennelle l’avait drapé de la protection automatiquement accordée au légiste, la boîte avait été rangée dans son alvéole sacré. Il ne la reverrait que si l’affaire comparaissait devant la judicarène. Quant à Ceylang, sa présence ici était un mystère parmi tant d’autres. Pourquoi cette dangereuse Wreave venait-elle le regarder ainsi sans rien faire d’autre ? Il était presque sûr qu’elle était chargée de l’espionner de loin. Mais pourquoi, cette fois-ci, avait-elle décidé de venir en personne ? Pour lui faire savoir qu’elle l’épiait ? Il devait y avoir un rapport avec les mobiles qui avaient poussé les Gowachins à initier une Wreave. Ils prévoyaient quelque futur problème que seule une Wreave était en mesure de résoudre. Ils la formaient en vue de cette tâche spécifique comme ils l’avaient formé lui-même. Mais pour quelle raison ? Quelles aptitudes wreaves en particulier intéressaient les Gowachins ? Et pourquoi spécialement cette femelle ? Quelles étaient ses allégeances ? En quoi consistait au juste le « pari wreave » ?

Tout cela conduisait McKie vers d’autres voies insuffisamment explorées : Quelles aptitudes spécifiquement humaines les Gowachins recherchaient-ils en lui ? La persévérance obstinée ? La connaissance du droit humain ? L’individualisme inhérent à tout être humain ?

Il ne pouvait donner de réponse absolue à toutes ces questions, pas plus qu’à celles qui concernaient la Wreave. Mais la présence de celle-ci continuait à le fasciner. McKie savait sur la société wreave un grand nombre de choses qui étaient très peu connues à l’extérieur des mondes wreaves. Les ressortissants de ces mondes étaient, au demeurant, des collaborateurs entièrement appréciés au BuSab, où se créaient aisément des relations de camaraderie qui facilitaient les échanges d’informations intimes. Outre le fait que les Wreaves devaient former une triade nuptiale pour se reproduire, il savait qu’il n’existait aucun moyen de savoir à l’avance quel partenaire de la triade serait appelé à nourrir la progéniture. C’était là une des pierres angulaires de la société wreave. Périodiquement, ce membre de la triade était échangé contre un individu jouant le même rôle dans une autre triade. Ainsi étaient assurés non seulement l’indispensable brassage génétique, mais aussi, à travers toute leur civilisation, des liens étroits et innombrables qui entraînaient d’une triade à l’autre, en cas de nécessité, des réactions de solidarité à toute épreuve.

Un Wreave du BuSab avait essayé d’expliquer cela à McKie.

« Prenez l’exemple d’un Wreave qui s’est fait assassiner ou, pis encore, frustrer sur un point d’amour-propre essentiel. Le coupable devra répondre personnellement de son acte devant des millions et des millions d’entre nous. Partout où nous sommes liés par un échange de triade, le devoir nous commande de réagir aux offenses. D’après ce que j’ai cru comprendre, vous avez un peu ça dans votre vendetta. Mais chez nous, les relations familiales sont beaucoup plus complexes. Vous n’imaginez pas les difficultés que nous avons eues pour libérer ceux d’entre nous qui travaillent au BuSab de la… servitude d’un tel réseau de responsabilités. »

Les Gowachins ne pouvaient ignorer cette caractéristique des Wreaves, se disait McKie. Était-ce pour cela, ou bien malgré cela et pour une raison entièrement différente, qu’ils avaient fait leur choix ? Une légiste wreave pourrait-elle continuer à faire partie de son réseau de responsabilités familiales ? Comment était-ce possible ? Toutes les conceptions de la société wreave allaient à l’encontre de la sensibilité gowachin. Le peuple du Dieu Batracien était encore plus… exclusif et individualiste que les Humains. Pour les Gowachins, la famille demeurait quelque chose de privé, d’isolé du reste du monde jusqu’au moment où chaque individu entrait dans le phylum qu’on lui avait choisi.

Tout en méditant sur tout cela au pied du rocher où il attendait, McKie s’efforçait de demeurer aux aguets. La chaleur, les odeurs et les bruits de la planète étrangère le déroutaient un peu. On lui avait dit de guetter le bruit d’un moteur à combustion interne. Rien que cela ! Les Dosadis, apparemment, avaient adopté ces engins à l’extérieur des murs de Chu parce qu’ils offraient plus de puissance (bien qu’ils fussent plus encombrants) que les dispositifs à impulsions dirigées utilisés dans la cité.

« Ils se servent d’alcool comme carburant. La présence de substances toxiques dans le carburant importe peu. Tout est bon pour fabriquer de l’alcool : arbres, fougères, buissons… tout ce qu’ils ont sous la main. »

Un silence engourdi environnait maintenant McKie. Depuis longtemps, il hésitait à accomplir ce qu’il s’était promis de faire dès qu’il serait seul sur Dosadi. Il ne retrouverait peut-être jamais d’occasion d’être seul, surtout quand il serait dans les garennes de Chu. Il savait qu’il était vain d’essayer de contacter son moniteur taprisiote. Aritch, sachant que le BuSab avait souscrit une « assurance taprisiote », lui avait dit tout net :

« Même un Taprisiote est incapable de percer le Mur de Dieu. »

Au cas où Dosadi serait détruite, le contrat caliban prendrait fin aussitôt. Dans une telle éventualité, le Taprisiote de McKie disposerait peut-être d’une fraction de seconde pour essayer de mettre à jour le dossier posthume de ses souvenirs. Dans les circonstances présentes, c’était une spéculation qui importait bien peu à McKie. Mais les Calibans avaient une dette envers lui. Dans l’affaire de l’Etoile et du Fouet, les Calibans avaient été menacés au même titre que toutes les autres espèces co-sentientes qui utilisaient les couloirs. La menace avait été réelle et précise. Les utilisateurs des couloirs et les Calibans qui contrôlaient ces couloirs avaient failli connaître l’extinction. À sa manière pittoresque, Fanny Mae avait exprimé sa reconnaissance à McKie :

« La conjonction de ma dette ne connaît pas de terme. »

Il était possible qu’Aritch ait ordonné au gardien du Mur d’empêcher McKie de contacter un autre Caliban, mais c’était peu vraisemblable. Seules les communications avec les Taprisiotes devaient être concernées par le blocus. Personne ne savait, et encore moins Aritch, de quelle manière les Calibans communiquaient entre eux. Les Gowachins se faisaient peut-être des idées sur l’impénétrabilité de la barrière qui entourait Dosadi.

Méthodiquement, McKie chassa de son esprit toute pensée sur les Taprisiotes. Ce n’était pas une chose facile. Cela demandait une concentration de soufi dirigée sur un vide particulier. Il ne devait y avoir aucune interférence avec le Taprisiote qui attendait, armé d’une infinie patience, à l’abri de Central Central. Le vide absolu devait se faire dans son esprit conscient pour ne laisser de place qu’à une projection bien nette en direction de Fanny Mae.

McKie évoqua visuellement l’étoile nommée Thyone. Il pensa fortement aux longues heures de conversation mentale qu’ils avaient passées ensemble. Puis il projeta toute la chaleur d’un lien affectif intense que renforçait la déclaration récente de Fanny Mae sur son « engagement nodal ».

Il ferma les yeux en amplifiant au maximum l’image intérieure qui lui emplissait maintenant tout l’esprit. Il sentit ses muscles se relaxer. Le rocher contre lequel il était appuyé, le sable sous lui disparurent de ses perceptions. Seule demeurait la présence vibrante de la Calibane.

« Qui appelle ? »

Les paroles atteignirent ses centres auditifs sans transiter par ses oreilles.

« C’est McKie, l’ami de Fanny Mae. Êtes-vous le Caliban qui garde le Mur de Dieu ? »

« Je suis le Mur de Dieu. Êtes-vous venu faire vos dévotions ? »

La pensée de McKie se mit à vaciller. Ses dévotions ? Les projections qui émanaient de ce Caliban là étaient retentissantes, agressives, d’un tout autre calibre que la curiosité pénétrante qu’il avait toujours perçue chez Fanny Mae. Il lutta pour retrouver une image claire. La chaleur du contact caliban revint. Il supposa qu’il y avait quelque chose de religieux dans cette expérience. On ne pouvait jamais être certain de ce qu’un Caliban voulait dire.

« Je suis McKie, l’ami de Fanny Mae », répéta-t-il.

La chaleur du contact faiblit, puis la réponse vint : « Mais vous occupez un point sur le plan d’onde dosadi. »

C’était déjà un concept plus familier à McKie, qui pouvait utiliser son expérience acquise au contact de Fanny Mae pour essayer d’arriver à un début de compréhension. Il demanda :

« Le Mur de Dieu m’autorise-t-il à entrer en contact avec Fanny Mae ? »

Les mots résonnèrent dans sa tête.

 

« Un Caliban, tous Calibans. »

« Je voudrais parler à Fanny Mae. »

« Votre corps présent ne vous satisfait pas ? »

McKie, à ce moment-là, reprit conscience de son corps de zombie et de sa chair tremblante sous la transe qui accompagnait toujours la communication avec un Taprisiote ou un Caliban. La question n’avait aucun sens pour lui, mais la conscience de son corps était réelle et menaçait de rompre le contact. Lentement, McKie lutta pour retrouver la présence mentale.

« Je m’appelle Jorj X. McKie. Les Calibans ont une dette envers moi. »

« Tous les Calibans connaissent cette dette. »

« Dans ce cas, vous devez l’honorer. »

Il attendit, en essayant de ne pas s’énerver. La source de chaleur dans sa tête fut remplacée par une autre présence qui s’insinua en lui d’une manière étrangement familière. Ce n’était pas un contact intense, mais plutôt une succession de touchers délicats dans les régions de son cerveau où les sensations visuelles et auditives étaient interprétées. McKie identifia aussitôt cette nouvelle présence.

« Fanny Mae ! »

« Que veut McKie ? »

Pour une Calibane, c’était plutôt direct. McKie, sachant cela, répondit de manière encore plus directe :

« J’ai besoin de votre aide. »

« Expliquez. »

« Il se peut que je me fasse tuer ici… hum, que mon point nodal prenne fin ici sur Dosadi. »

« Sur le plan d’onde dosadi », rectifia-t-elle.

« Oui, c’est ça. Et au cas où une telle chose se produirait… si je mourais ici… J’ai des amis à Central Central… ou sur le plan d’onde de Central Central… qui voudraient savoir tout ce que j’ai dans la tête au moment où je meurs. »

« C’est le travail d’un Taprisiote. Contrat dosadi interdit usage de Taprisiote. »

« Mais si Dosadi est détruite… »

« Clauses du contrat ne connaissent pas de fin, McKie. »

« Vous ne pouvez donc pas m’aider ? »

« Vous voulez un conseil de Fanny Mae ? »

« Oui. »

« Fanny Mae capable de maintenir contact avec McKie pendant qu’il occupe plan d’onde dosadi. »

Une transe ininterrompue ? songea McKie, étonné. La Calibane dut capter cela, car elle enchaîna :

« Pas une transe. Fanny Mae connaît bien nexus de McKie. »

« Je préfère pas. J’aime autant ne pas être distrait quand je suis ici. »

« Mauvais choix. »

Elle devenait agressive elle aussi.

« Pourriez-vous me procurer un couloir personnel pour… »

« Pas avec point nodal aboutissant près du point d’aboutissement du plan d’onde dosadi. »

« Fanny Mae, vous savez ce que les Gowachins sont en train de faire sur Dosadi ? Ils… »

« Le contrat caliban, McKie. »

Son déplaisir était évident. On ne remet pas en question la parole d’un Caliban. Le contrat signé avec les Gowachins devait certainement contenir des clauses spécifiques interdisant de révéler quoi que ce soit sur Dosadi. McKie était consterné. Il avait presque envie de quitter Dosadi immédiatement.

Fanny Mae avait également capté cette pensée.

« McKie peut partir maintenant. Bientôt, McKie ne pourra plus partir dans son propre corps nodal. »

« Corps nodal ? »

« Explication non autorisée. »

Non autorisée !

« Je croyais que vous étiez mon amie, Fanny Mae ! »

Une sensation de chaleur l’enveloppa.

« Fanny Mae possède amitié pour McKie. »

« Dans ce cas, pourquoi refusez-vous de m’aider ? »

« Vous désirez quitter maintenant plan d’onde dosadi ? »

« Non ! »

« Alors, Fanny Mae ne peut pas aider. »

Furieux, McKie voulut rompre le contact.

Fanny Mae projeta un sentiment de frustration blessée. « Pourquoi McKie refuse-t-il conseil ? Fanny Mae voudrait bien… »

« Je dois me retirer. Vous savez que je suis en état de transe pendant toute la durée du contact. L’endroit où je me trouve est dangereux. Nous reparlerons de tout ça une autre fois. J’apprécie votre désir de me venir en aide, ainsi que votre clarté nouvelle, mais… »

« Pas clarté ! Seulement petite fenêtre de compréhension, mais Humains ne possèdent pas d’autre dimension ! »

Cette réponse s’accompagnait d’un désespoir manifeste, mais elle rompit tout de même le contact. McKie émergea de sa transe. Il avait les extrémités des pieds et des mains glacées. Le contact caliban avait dangereusement abaissé son métabolisme. Il rouvrit les yeux.

Un Gowachin inconnu vêtu de l’uniforme jaune des chauffeurs de véhicules blindés était penché sur un engin chenillé, pétaradant à l’arrière-plan dans un nuage de fumée bleue. McKie secoua violemment la tête.

Le Gowachin demanda courtoisement :

« Vous êtes souffrant ? »

Dosadi
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